jeudi 11 avril 2013

Prévenir la douleur chronique par la gestion du stress

Selon des chercheurs de l'Université de Montréal, les personnes aux prises avec de la douleur chronique, qu'elle soit cancéreuse ou non, devraient se protéger contre les effets négatifs du stress.

Une étude publiée dans le prestigieux journal Brain de l'Université d'Oxford au début de l'année 2013 et signée par le Dr. Pierre Rainville, P.h.D. en neuropsychologie, chercheur au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (IUGM) et professeur à la Faculté de médecine dentaire de l’Université de Montréal, et son étudiant, Étienne Vachon-Presseau, doctorant en neuropsychologie, vient démontrer ce que plusieurs avaient déjà observé. 

En effet, les relations entre une mauvaise gestion du stress, la douleur chronique et les fonctions de l'hippocampe, organe du cerveau jouant notamment un rôle important sur la mémoire et dont plusieurs études ont observé une atrophie suite à une exposition prolongée au stress, sont au cœur de concepts relativement nouveaux. Plusieurs pensent d'ailleurs que ces liens pourraient expliquer la persistance de la douleur chronique et les différences individuelles de son intensité.


 Cette étude a été réalisée sur 16 sujets atteints de lombalgie chronique et 18 sujets sains, sur lesquels les chercheurs ont évalué quatre facteurs pour ensuite observer le lien entre eux:

1- Le taux de cortisol, aussi connu comme l'hormone du stress, dans la salive des participants;
2- La douleur ressentie par les participants le jour de l'évaluation;
3- Le volume de l'hippocampe;
4- L'activation du cerveau, mesurée par IRM, suite à des stimulations douloureuses.

Les résultats obtenus démontrent qu'un hippocampe plus petit serait relié à des taux de cortisol plus élevés que la moyenne et une réponse plus intense à la douleur dans une région du cerveau impliquée dans l'anxiété reliée à la douleur. Les auteurs en concluent donc qu'un volume réduit de l'hippocampe pourrait être une prédisposition à une réponse exagérée face au stress et donc au développement de douleurs chroniques. Des interventions visant à enrayer la douleur chronique d'un individu devraient donc traiter la source de la douleur par l'entremise d'ateliers de réduction de stress et d'anxiété.


Comme l'activité physique peut être considérée comme une approche efficace dans le traitement de la dépression et de l'anxiété de par ses processus physiologiques, biochimiques et psychologiques, elle ne devrait pas être négligée lors de la prise en charge d'une personne aux prises avec de la douleur chronique. Le suivi d'un kinésiologue et l'ajout d'activité physique au quotidien, en plus des traitements psychothérapeutiques et pharmacologiques, pourraient même devenir les composantes les plus économiques et les plus efficaces pour le traitement de la douleur chronique à long terme au sein de la population.

Références


Matos, M.G. de, Calmeiro, L. and Fonseca, D. da. 2009. Effet de l’activité physique sur l’anxiété et la dépression. La Presse Médicale. 38(5): pp.734-739.

Vachon-Presseau, Etienne et al. 2013. The stress model of chronic pain: evidence from basal cortisol and hippocampal structure and function in humans. Brain. 136; 815–827.

Pour en savoir plus

Coalition Canadienne contre la Douleur: www.canadianpaincoalition.ca
American Psychological Association: www.apa.org
Kino-Québec: www.kino-quebec.qc.ca

vendredi 5 avril 2013

Pharmacodépendance en situation de douleur chronique

La plupart des personnes aux prises avec de la douleur chronique consomment des analgésiques ou des médicaments de la famille des opioïdes qui ont été prescrits par leur médecin dans le but d'atténuer la douleur. Il est alors normal d'observer, chez certaines personnes, une légère crainte de développer une dépendance à ces médicaments. De l'autre côté, il est aussi parfois difficile pour les médecins de déterminer si la douleur déclarée par son patient est vraiment l'expression de sa maladie ou si elle fait plutôt partie d'un problème de toxicomanie. 

Cette crainte est souvent disproportionnée par rapport au faible taux de pharmacodépendance observé chez les personnes aux prises avec de la douleur chronique et qui n’ont aucun antécédent de toxicomanie.

Une autre source d’inquiétude est l’effet de l’usage à long terme des opiacés sur la sensibilité à la douleur. En effet, la nécessité d'augmenter les doses de médicaments opiacés peut être l’indice d’une plus grande tolérance aux effets analgésiques, ce qui peut avoir des répercussions à long terme sur l’utilisation de ce type de médicaments.

La demande d'une personne à son médecin d’augmenter sa dose d’opiacés pourrait donc être un signe de dépendance psychologique, lorsqu’il est évident que le patient ressent le besoin de prendre ce médicament. Toutefois, ce genre de demande pourrait aussi s’expliquer du fait que le patient recherche un meilleur soulagement de sa douleur, suite à une dose prescrite insuffisante ou bien en raison d’une plus grande sensibilité à la douleur causée par l’usage prolongé de médicaments opiacés. 

Heureusement, il existe plusieurs outils à la disposition des équipes multidisciplinaires pour évaluer les risques de dépendance d'une personne quant à une médication aux opioïdes. L'un d'entre eux, fourni par la International Society of Addiction Medicine (ISAM), correspond à un cadre d’évaluation des problèmes de douleur chronique, permettant d’analyser le risque de dépendance des patients qui présentent une douleur et demandent des opioïdes. Selon cet outil, il est généralement possible de classer les patients en trois catégories :

Catégorie A : Le patient demande des opioïdes pour diminuer une douleur perçue, mais l’évaluation montre qu’il faut avant tout diagnostiquer la dépendance. La douleur, bien que chronique, sera gérable une fois la dépendance traitée efficacement. 

Catégorie B : Le patient qui veut des opioïdes présente une étiologie clairement identifiable de la douleur et n’a aucun problème de dépendance présent ou passé.

Catégorie C : Le patient présente non seulement une douleur chronique nécessitant une thérapie continue aux opioïdes, mais aussi un problème de dépendance. Il lui faut donc un suivi très attentif et d’une structure stricte. 

Une évaluation complète de la problématique peut donc servir à classer les individus dans chacune de ces catégories pour ensuite imposer le suivi le plus approprié.

La gestion de la douleur relève bien entendu de la science, mais elle est aussi un art, demandant l'orchestration de multiples formes d'intervention individualisées à chaque personne. Cela demande une grande vigilance et une attention constante de la part du médecin traitant et de son équipe, dans le but de fournir le traitement le plus approprié possible, sans tomber dans les stéréotypes d'une potentielle dépendance ni dans la peur de prescrire des opiacés et un traitement non efficace de la problématique.


Références

International Society of Addictive Medicine: www.isamweb.org

International Association for the Study of Pain (2008). Screening for potential opioid abuse. Pain, 16 (7), 1-4.

Mok, James. Douleur chronique et pharmacodépendance. Vie autonome Canada. Récupéré de: www.cnsaap.ca/Fra/ProfessionalToolkits/Treatment_Issues/Chronic_Pain_Management_and_Addiction_Medicine/Pages/default.aspx

Réseau Canadien des Professionnels en Toxicomanie et de Domaines Connexes (2011). Les principes de base du soulagement de la douleur chronique et de la médecine en toxicomanie. Récupéré de: www.cnsaap.ca/SiteCollectionDocuments/PT-Essentials_%20of_Chronic_Pain_Management_2011-06-fr.pdf

Pour en savoir plus

Réseau Canadien des Professionnels en Toxicomanie et de Domaines Connexes: www.cnsaap.ca
Centre Canadien de Lutte contre les Toxicomanies: www.ccsa.ca

mardi 2 avril 2013

Douleur chronique chez les enfants


La douleur chronique est une problématique fréquemment rencontrée dans la population pédiatrique, affectant de 20 à 35 % des jeunes de 0 à 18 ans mondialement et se présentant majoritairement sous forme de douleur musculosquelettique, de maux de tête ou de douleur abdominale. Comme pour la population adulte, la douleur chronique chez les enfants est le résultat d’une combinaison de plusieurs facteurs (biologiques, psychologiques et socioculturels) affectant l’intégralité du système nerveux et menant à une sensation douloureuse malgré la disparition de la cause originale. En plus des conséquences physiques et psychologiques découlant d’une telle situation, l’expérience de douleur chronique pédiatrique pourrait prédisposer ces enfants à une continuité de la douleur ou à de nouvelles formes de douleurs chroniques à l’âge adulte.

De la même façon que pour la population adulte, la douleur chronique affecte grandement le taux de participation à des activités physiques de grande intensité, principalement dû à la peur d’empirer la douleur et d’aggraver la blessure. Toutefois, un faible niveau de participation à ce type d’activités aura des répercussions négatives sur la douleur lors du passage à l’âge adulte, puisque cela mènerait à une atrophie musculaire, un déconditionnement cardiovasculaire et une mauvaise santé osseuse et articulaire. C’est pourquoi l’activité physique devrait être encouragée chez tous les enfants, sous la supervision d’un spécialiste. Des exercices aquatiques ou utilisant le poids du corps aideront à améliorer la force, l’endurance et la flexibilité de l’enfant, tout en bâtissant de meilleurs os et diminuant la possibilité d’un surpoids. Tout cela améliorera grandement la qualité de vie de l’enfant aux prises avec de la douleur chronique, lui permettra d’avoir plus d’énergie pour ses autres activités de la vie quotidienne et pourrait même réduire l’utilisation de la médication. Plus important encore, le sport, s’il est fait sous supervision d’un kinésiologue, n’aura pas d’impact négatif sur la douleur chronique.

Comme la douleur chronique est un phénomène biopsychosocial, elle demande un suivi multidisciplinaire pour être traitée le plus efficacement possible. Une combinaison de différents types de traitements, en plus de l’activité physique, devra alors être mise en place suivant le principe des trois P :

— Physique
— Psychologique
— Pharmacologique



Références

AboutKidsHealth: www.aboutkidshealth.ca
American Pain Society: www.americanpainsociety.org
Association Canadienne des Centres de Santé Pédiatriques: ken.caphc.org
University College London: Institute of Child Health: www.ucl.ac.uk/ich

Pour en savoir plus

American Chronic Pain Association: www.theacpa.org
Livre "Pain in Children: Nature, Assessment and Treatment" par Patricia A. McGrath, Ph.D.
SickKids: www.sickkids.ca